Un viatique pour l’éternité. Hommage à Ousmane Sembène.
« Ousmane Sembène, « un célèbre inconnu »?
L’expression, de toute beauté, est de son biographe. Samba Gadjigo a voulu ainsi souligner le Paradoxe – un de plus – d’un homme dont chacun sait tant de choses mais que personne ne peut se targuer de vraiment connaître. En effet, bien avant sa mort en juin 2007, Sembène était devenu une importante figure publique. Les événements les plus marquants de sa vie nous restent aujourd’hui encore aussi familiers que son visage massif et goguenard, son regard rieur, sa pipe et sa casquette. Mais il ne suffit pas de rappeler la singularité de son itinéraire ni même d’en souligner les douloureuses aspérités pour en être quitte avec l’énigme Sembène. Après tout, quelques-uns avant lui – le tirailleur Bakary Diallo par exemple — avaient réussi à se faire un nom en dehors du cercle restreint des élites formatées par l’école coloniale. Mais Sembène est le seul qui, sans être passé par Ponty, Maisons-Alfort ou la Sorbonne, a pu se prévaloir de ce qu’on peut appeler, sans réticence ni moue dubitative, une œuvre tant au cinéma que dans la littérature. Seule une prodigieuse volonté a pu lui permettre de se jouer ainsi du destin. Il sait en débarquant à Marseille qu’il n’est plus seulement question de grimper le long d’un mur pour s’assurer une place au Rialto. Cela, c’était au propre comme au figuré un jeu d’enfant. Désormais il a presque le choix entre réveiller le grand homme qui sommeille en lui ou se résigner à être une épave humaine. Il s’agit donc de franchir la ligne. C’est une entreprise bien plus périlleuse et complexe que tout ce qu’il avait connu auparavant. Il s’en donne pourtant les moyens, avec l’obstination silencieuse des âmes supérieures.»
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